Allocution de SEM Abdoulaye DIOP, Ministre des Affaires Etrangères et de la Coopération Internationale, au Segment de Haut niveau de la 52ème Session du Conseil des Droits de l’Homme des Nations Unies (Genève, le 02 mars 2023)


Monsieur le Président,

Excellences Mesdames et Messieurs,

J’adresse les chaleureuses félicitations de la délégation du Mali au Président et aux membres du Bureau de cette 52ème session du Conseil pour leur élection, ainsi qu’à Monsieur Volker TÜRK, Haut-Commissaire des Nations Unies aux Droits de l’Homme pour ses efforts inlassables en faveur des droits de l’homme.

La commémoration, cette année, du 75ème anniversaire de la Déclaration universelle des Droits de l’Homme et celle du 30ème anniversaire du Programme d’action de Vienne intervient dans un contexte, hélas, marqué par des atteintes à la dignité humaine et à l’universalité des droits de l’Homme, notamment dans les situations de conflits armés.

Monsieur le Président,

Mesdames et Messieurs,

Comme conséquence de l’intervention militaire en Libye qui a déstabilisé la région du Sahel, mon pays le Mali est confronté, depuis plus d’une décennie, à l’insécurité, au terrorisme et à la criminalité transnationale organisée avec comme corollaire la multiplication des attaques indiscriminées des groupes terroristes.

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SEM Abdoulaye DIOP, Ministre des Affaires étrangères et de la Coopération internationale

Tirant les leçons de l’inefficacité, et surtout de l’inadaptation de la réponse internationale marquée par l’expansion de la menace terroriste depuis le déclenchement de la crise, les Forces maliennes ont entrepris, à partir de décembre 2021, des actions offensives d’envergure afin de prévenir et de combattre les attaques des groupes extrémistes, dans le cadre de leur mission régalienne de sécurisation du territoire et de protection des populations civiles.

L’effet induit de ces opérations est la diminution des cas d’atteintes aux droits de l’homme, dans la mesure où elles limitent la liberté de mouvements et d’actions des organisations criminelles à l’origine de ces violations.

A cet égard, il est heureux de constater que ces opérations ont permis le retour progressif de l’administration et des services sociaux de base.

Nous sommes parfaitement conscients de la responsabilité première de protection des populations civiles qui incombe à l’Etat. C’est la raison pour laquelle le Gouvernement s’est investi pour lutter contre l’impunité sous toutes ses formes, en déployant des efforts importants pour enquêter sur toutes les allégations de violation des droits de l’homme, y compris celles formulées à l’encontre des forces de défense et de sécurité, nonobstant quelques contraintes objectives qui entravent certaines procédures.

Ainsi, plusieurs sessions ordinaires de la Chambre criminelle du tribunal militaire de Bamako ont été organisées pour marquer l’engagement du Gouvernement à respecter et à faire respecter les droits de l’Homme et à lutter contre l’impunité. La dernière session en date de cette juridiction s’est tenue le 21 novembre 2022.

La détermination des Autorités de la Transition à veiller au respect des droits de l’homme s’est traduite, au plan institutionnel, par une innovation majeure, à savoir la création, par décision du Conseil des ministres, le 1er février dernier, de la Direction nationale des droits de l’Homme. Placée sous la tutelle du Ministère de la Justice et des Droits de l’Homme, cette nouvelle structure viendra renforcer le dispositif institutionnel existant en la matière.

Cela s’ajoute à l’adoption de la loi fixant les règles générales relatives à la réparation des préjudices causés par les violations graves des droits de l’Homme et la relecture en cours du code pénal et du code de procédure pénale pour, entre autres, assurer un meilleur respect et une meilleure protection des droits humains.

Monsieur le Président,

Mesdames et Messieurs,

Au titre des réformes politiques, institutionnelles et en matière de droits de l’Homme engagées par les autorités de la Transition afin de renforcer le processus de stabilisation et favoriser le retour à un ordre constitutionnel apaisé et sécurisé, j’aimerais vous présenter quelques progrès notables réalisés depuis la 49ème session du Conseil des droits de l’homme tenue en mars 2022.

Ainsi, sous l’impulsion de S.E. Le Colonel Assimi GOITA, Président de la Transition, Chef de l’Etat qui a privilégié le caractère inclusif du processus politique, les Forces vives de la nation ont activement participé à l’adoption consensuelle d’un chronogramme des réformes politiques et électorales. Par souci de transparence, le Gouvernement a inclus la participation de la CEDEAO, de l’Union Africaine et des Nations Unies aux mécanismes de suivi de ces réformes.

L’adoption de la loi électorale et la création subséquente de l’Autorité indépendante de Gestion des Elections, désormais opérationnelle, est une étape cruciale dans la refondation de l’Etat. Poursuivant cette dynamique, l’organe législatif de la Transition vient d’adopter, le 20 février 2023, six (06) importants projets de loi, dont ceux relatifs à la réorganisation territoriale et nécessaires à la tenue des prochaines échéances électorales.

Monsieur le Président,

Mesdames et Messieurs,

En ce qui concerne l’Accord pour la paix et la réconciliation issu du processus d’Alger, le Gouvernement reste engagé pour sa mise en œuvre, en dépit des difficultés conjoncturelles rencontrées. C’est fort de cette conviction qu’il est parvenu à un consensus avec les groupes signataires dudit Accord pour l’intégration de vingt-six mille (26.000) ex-combattants au sein des forces de défense et de sécurité et des différents services de l’Etat.

Par ailleurs, le Gouvernement œuvre actuellement à l’élaboration d’un nouveau programme DDR 2023-2027 et du programme d’intégration 2023–2025.

Toutes ces actions traduisent, s’il en était encore besoin, la ferme volonté des Autorités de la Transition d’œuvrer pour la paix et la réconciliation nationale afin d’améliorer la situation des droits de l’homme dans le pays.

Monsieur le Président,

Mesdames et Messieurs,

Je puis vous assurer que le Gouvernement du Mali, tout en s’opposant fermement à l’instrumentalisation de la question des droits de l’homme à des fins politiques et géopolitiques et souvent de déstabilisation, continuera d’œuvrer inlassablement pour leur protection et leur promotion conformément à nos valeurs ancestrales, notamment celles contenues dans la Charte de Kurukanfuga de 1236 sous l’Empire du Mali, et aussi aux engagements internationaux auxquels le Mali a souscrit.

A ce propos, je regrette la tendance persistante à la polarisation de nos échanges sur les questions des droits de l’homme et la fixation qu’en font certains Etats membres.

Il est important de souligner que la sécurisation et la stabilisation du Mali et de la sous-région, est la condition essentielle à l’amélioration de la situation des droits de l’homme. A cet effet, le Mali intègre dans sa démarche holistique la réponse sécuritaire et la promotion des droits humains, tels que le droit au développement et les droits économiques et sociaux qui permettent de prévenir la répétition des crises en s’attaquant à leurs racines profondes.

Monsieur le Président,

Mesdames et Messieurs,

Le Gouvernement du Mali réaffirme sa volonté de poursuivre sa coopération avec les mécanismes pertinents, y compris l'Expert indépendant des Nations Unies sur la situation des droits de l'Homme au Mali, dont il justifie d'appuyer sur le mandat pour peu qu'il s'inscrire strictement dans le cadre de l'assistance technique et le renforcement des capacités, dans un esprit constructif et au-delà de la simple dénonciation et d'allégations infondées. Une telle approche doit contribuer à valoriser et renforcer les institutions nationales.

Ce faisant, je voudrais réitérer notre appel en faveur de la rationalisation des nombreux mécanismes existants, afin d’éviter, comme c’est souvent le cas, un chevauchement des attributions et une pression de travail excessive sur l’administration malienne, qui, face à la multiplicité des rapports auxquels elle doit réagir, peine à rendre aux populations maliennes le service public qui est attendu de l’Etat.

Pour conclure, je souhaite réitérer la disponibilité du Gouvernement à coopérer avec l’ensemble de ses partenaires, dans le strict respect de la souveraineté du Mali, des choix stratégiques et des choix de partenaires du Mali et des intérêts des Maliens.

C’est l’occasion pour moi d’adresser mes vifs remerciements à tous les amis du Mali, bilatéraux comme multilatéraux, pour leur soutien appréciable à nos efforts de sortie de crise.

Enfin, je rends hommage à la mémoire de toutes les victimes de la crise malienne, civiles comme militaires, étrangères comme maliennes, tombées au champ d’honneur au Mali.

Je vous remercie de votre aimable attention.